Acheter local
Le camion, c'est désormais le "globule rouge" du système économique. Sans lui, fin des chaînes d'approvisionnement : plus une usine ne fonctionne, plus un magasin n'est approvisionné, plus un chantier n'a lieu, plus une récolte n'est livrée. Jancovici
Le jour où il n'y aura plus de pétrole, les camions actuels ne pourront plus rouler. Les tracteurs non plus.
Celà prend du temps de se réorganiser localement, de produire à nouveau localement ce qui est essentiel pour vivre. Des décennies seront nécessaires à cette réorganisation.
N'attendons pas de mourir de faim. Anticipons et organisons nous dès maintenant pour réussir à nourrir localement toute la population.
Voter avec son portefeuille
C'est sans doute la première habitude que nous pouvons enclencher dans nos vies quotidiennes : acheter local.
Voter avec son portefeuille, en achetant majoritairement, voire uniquement, des produits fabriqués le plus proche possible de chez nous.
En commençant par l'alimentation. Acheter une alimentation produite le plus proche possible de chez nous, avec le moins de machines possible, et la moins transformée possible.
De la même façon, nous pouvons voter avec notre portefeuille en achetant majoritairement aux entreprises locales les produits et services dont nous avons réellement besoin pour vivre.
Ce vote avec notre argent personnel est bien plus puissant qu'un bout de papier dans une urne qui élit une personne corruptible, qui peut changer d'avis, ou qui n'a pas les mêmes avis que nous sur tous les sujets.
Plus nous achetons de choses, surtout venant de loin, => plus l'extraction de minerais pollue l'atmosphère et les nappes phréatiques, => plus la quantité de CO2 dégagée dans l'atmosphère augmente l'effet de serre => plus la température monte et plus la sécheresse rend la surface de la terre aride, impossible à cultiver => plus les rendements agricoles vont baisser => plus nous mourrons de faim dans quelques décennies, surtout le jour où les stocks de pétrole sous terre seront quasiment vides et que les tracteurs n'auront du coup plus de carburant pour fonctionner et nous aider à améliorer les rendements agricoles.
A l'inverse, à chaque fois que nous baissons les importations, en utilisant de la valeur ajoutée locale, nous baissons nos émissions de pollution et gaz à effet de serre, et nous baissons notre dépendance aux hydrocarbures tout en favorisant l'économie du pays.
Chaque transport en moins, chaque trajet en moins, c'est autant de CO2 évité dans l'atmosphère. Chaque produit que nous achetons a nécessité beaucoup de transports : pour sa fabrication, et pour sa livraison. Alors minimisons les transports en achetant localement.
Relocalisons les productions pour anticiper l'avenir sans énergies fossiles que nous subirons, et gagnons de la sorte de nouveaux emplois pérennes dans le pays.
La démocratie c'est ça : pour montrer que nous voulons relocaliser les productions dans notre pays, achetons local. Ce que nous achetons est notre réel bulletin de vote.
Manger local et le moins mécanisé possible
Pour soutenir et encourager cette production agricole locale, achetons en priorité une alimentation locale, la moins mécanisée possible, ayant utilisé le moins d'engrais et de pesticides possible, la moins transformée possible, dans le moins d'emballages possible.
Sans pétrole, il n'y a plus de carburant pour les tracteurs ni pour fabriquer des engrais et des pesticides. Sans pétrole, les rendements agricoles vont s'effondrer. Le jour où il n'y aura plus de pétrole importé en Europe, si le nombre d'agriculteurs n'est pas suffisant, et que les productions agricoles locales ne sont pas suffisantes pour nourrir la population, ce sera la famine. Il est urgent de s'organiser dès maintenant afin d'être prêt à nourrir la population locale lorsqu'il n'y aura plus de pétrole. Encourageons l'installation de nombreux nouveaux agriculteurs autour de chez nous, en achetant une alimentation produite le plus proche de chez nous. En priorisant une alimentation ayant utilisé le moins de machines possible : sans engrais ni pesticides, sans labour, produite majoritairement manuellement. Afin d'anticiper l'avenir où nous n'aurons plus accès aux énergies fossiles pour faire tourner les machines.
Lorsqu'une alimentation est produite sans engrais ni pesticides, et sans l'aide des tracteurs, les rendements sont moins élevés. Du coup le coût d'une telle alimentation est plus élevé, afin que les producteurs puissent vivre de leur métier. Et ce coût de l'agriculture biologique et peu mécanisée est en fait le coût réel de ce que ça vaut. En effet, c'est le coût actuel de l'alimentation, anormalement bas, qui est une complète aberration.
Actuellement, seulement 7% du ticket de caisse de l'alimentation va à aux agriculteurs. Car, la majorité des gens habitant en ville, nous payons surtout :
- les transports de cette alimentation depuis les lieux de production,
- la construction des camions pour ces transports,
- les emballages pour le transport,
- la mise en rayons dans les magasins,
- et la publicité pour attirer des gens dans ces magasins.
18% des agriculteurs français vivent sous le seuil de pauvreté. Or, sans eux, nous ne pourrions nous nourrir et travailler à notre tour. Il est temps de les rémunérer à leur juste valeur.
Avant l'utilisation du pétrole, la moitié de ce que les gens gagnaient était dépensé pour se nourrir. Aujourd'hui, manger coûte entre 10 et 15% de ce que les gens gagnent, et encore : l'essentiel de ce que nous payons n'est pas de la bouffe : magasins, frais de transport, vendeurs, publicité, dividendes des actionnaires des hypermarchés... En réalité nous payons notre nourriture seulement le 1/4 du prix auquel nous l'achetons. Et encore, pour un produit non transformé... Nous pouvons dire par exemple que nous avons payé plus cher de publicité, donc de temps d'antenne d'une chaine de télé, que de nourriture... Aujourd'hui, c'est seulement quelques % de ce que nous gagnons que nous dépensons pour la nourriture.
De plus, la majorité des gens aujourd'hui ne cuisinent plus : ils achètent des pâtes, des plats préparés, des conserves, des yaourts, etc..., c'est à dire des produits transformés. Donc nous payons les transformateurs.
Si déjà nous cuisinions nous mêmes nos légumes, poissons, viandes, oeufs, etc..., les agriculteurs seraient déjà mieux rémunérés. Les agriculteurs sont même encore plus rémunérés lorsque nous achetons leurs produits directement à la ferme, sur place, sur leur exploitation, ou du moins le plus proche possible de leurs lieux de production (le moins de transport possible).
Achetons une alimentation la moins transformée possible
De toute façon, que ce soit des plats salés ou des desserts sucrés, rien n'est jamais meilleur que ce que nous préparons et cuisinons chez nous. Tous ces produits transformés sont à chaque fois une déception au niveau du goût et des saveurs, à l'image des dégâts qu'ils causent sur notre santé. Certains pourront rétorquer qu'ils n'ont pas le temps de cuisiner. Néanmoins, trouverons nous le temps de nous soigner une fois que nous serons gravement malades à force de nous être si mal nourris ? Ne vaut il pas mieux s'organiser pour trouver le temps de cuisiner nous mêmes nos repas, à partir d'aliments bio, quitte à les emporter ensuite sur nos lieux de travail, plutôt que de laisser ces aliments transformés, bourrés de pesticides, d'hormones et d'antibiotiques, empoisonner nos corps à petit feu, détruire notre santé, engouffrant un peu plus la dette de la sécurité sociale pour chaque nouveau malade ? Le jour où il n'y aura plus de pétrole et que le système déresponsabilisant de sécurité sociale n'existera plus, nous devrons prendre à notre charge nos propres frais de santé : ce jour là, nous ferons beaucoup plus attention à maintenir notre corps en bonne santé, nous ferons attention à ce que nous mangeons. Pourquoi attendre ? Responsabilisons nous, et prenons soin de notre santé dès à présent, en choisissant une nourriture saine et de qualité.
Rappelons qu'aujourd'hui, quand nous passons la caisse d'un magasin (une grande surface le plus souvent), moins de 10% du ticket de caisse paye l'agriculture elle-même (au restaurant c'est encore moins).
Le reste, ce sont les salaires des personnes qui entreposent et stockent, qui passent nos achats en caisse, qui transportent, qui cuisinent à notre place (en transformant du blé en pâtes, des tomates en sauce, du poulet en nuggets, du lait en yaourts...), qui fabriquent les emballages (indispensables avec du transport), qui construisent magasins, usines ou encore camions (un sur quatre à un sur trois transporte quelque chose qui se mange ou se boit dans notre pays), qui font la pub, sans oublier quelques banquiers et actionnaires qui se promènent ici et là tout au long de la chaine de valeur.
Résultat des courses : aujourd'hui la nourriture elle-même représente 2% de ce que nous gagnons, tout le reste de la "dépense alimentaire" payant la valeur ajoutée des intermédiaires. C'est en gros 10 fois moins qu'il y a un siècle, pour 3 fois plus de viande. Jancovici
Une alimentation bio, locale, sans emballages est plus chère, et néanmoins tellement plus proche du prix de sa valeur réelle compte tenu du service rendu. C'est le prix de l'alimentation industrielle qui est une aberration. Il suffit d'aller faire une saison chez un maraîcher bio qui n'utilise aucune machine pour se rendre compte du labeur que celà représente. C'est bien beau de critiquer et de dénoncer les producteurs de pétrole, certes certaines de leurs pratiques sont inacceptables, mais de notre coté sommes nous prêts à retourner travailler manuellement dans les champs, sommes nous prêts ne serait qu'à rémunérer à leur juste valeur ceux qui travaillent sans machines ? Chaque fois que nous achetons de la nourriture produite avec des engrais, des pesticides, des hormones, des antibiotiques, venant de l'autre bout de la planète, vendue dans de multiples emballages, nous participons à cette consommation démesurée de pétrole. Avant de cracher sur les producteurs de pétrole, réajustons d'abord nos attitudes de consommation de ce pétrole. Avant d'accuser les autres, même si c'est légitime, il convient de balayer d'abord devant sa porte.
Ceux qui nous nourrissent sainement méritent d'être rémunérés à leur juste valeur. Acceptons de payer le coût réel de l'alimentation, à sa juste valeur.
Nous pouvons aussi nous en rendre compte ne serait ce qu'en comparant le budget que nous allouons actuellement à l'alimentation avec celui que nous accordons tellement plus volontiers pour les boissons, le tabac, l'alcool, les smartphones, les vêtements... Les gens dépensent actuellement moins en légumes qu'en cigarettes. Les gens dépensent actuellement moins en nourriture qu'en abonnements numériques, en ordinateurs, en télévisions, en smartphones. La part de notre budget ne devrait il pas être majoritairement alloué à ce qui est essentiel pour survivre ?
Actuellement, nous consacrons moins de 10% de notre budget alimentation à des produits bio. La part de notre budget alimentation ne devrait il pas être majoritairement alloué à ce qui est sain pour notre corps, sans poisons mortels, pour nous et pour toute vie sur cette planète ?
En 2024, selon Les Echos, les Françaises et les Français ont dépensé 12 milliards d'euros dans des produits bio. En 2023, la dépense alimentaire des ménages (incluant les boissons non alcoolisées) représentait 184 milliards d'euros. Le bio c'est donc moins de 10% de ce sous-ensemble : ce n'est pas beaucoup.
Si l'on regarde un peu plus en détail cette dépense alimentaire, les seules boissons non alcoolisées (donc en clair l'eau en bouteilles et les sodas) représentaient 15 milliards d'euros.
Même s'il y a un peu de recouvrement (il existe des sirops bio), rien que le "basculement" de ce poste, pas vraiment indispensable sur le plan nutritif, permettrait de doubler le marché du bio !
Mieux encore, les ménages ont dépensé 51 milliards d'euros en "boissons alcoolisées, tabac et stupéfiants", dont 24 milliards d'euros de tabac, alors que les légumes c'est seulement 20 milliards (l'INSEE ne précise pas le budget fruits, mais il doit être encore inférieur). Nous payons plus cher pour nous abîmer la santé que pour la préserver.
Et accessoirement le carburant ne nous coute pas plus cher que l'ensemble tabac+alcool... ou que ce que nous dépensons dans les télés, ordinateurs, smartphones, et abonnements numériques divers (aussi de l'ordre de 50 milliards par an).
Tout cela pour dire que, au vu de ce que nous dépensons dans beaucoup de postes de "confort", pour une bonne partie des ménages c'est largement une question d'arbitrage personnel - donc de choix - que d'acheter bio ou pas.
Il y a un autre poste qui est très significatif dans nos dépenses : les restaurants, auxquels nous laissons 100 milliards d'euros par an. Lorsque nous allons manger dehors, le prix des produits alimentaires n'est pas, loin s'en faut, ce qui compte le plus dans l'addition : si l'on prend leur prix en sortie d'exploitation agricole, cela représentera moins - voire beaucoup moins - de 10% l'essentiel du temps.
Jancovici
Enfin, ayons conscience des travers du libre échange poussé à l'extrême. Le prix des céréales est défini par les marchés mondiaux par exemple. Et tant que les pays autorisent l'importation de l'alimentation, celle produite dans des pays n'ayant aucune contrainte environnementale à respecter est forcément moins chère sur l'étalage, malgré le coût du transport. Lorsque nous achetons cette alimentation la moins chère qui a détruit des forêts, qui a utilisé des engrais et des pesticides, qui a dégagé des tonnes de CO2 ne serait ce que dans le transport en provenance de l'autre bout du monde, nous contribuons à notre propre perte. Il n'y a que deux solutions :
- soit les sommets des hiérarchies en place dans les pays interdisent les importations d'alimentation, et la seule source alimentaire est alors produite dans le pays qui respecte des lois environnementales
- soit nous changeons nos habitudes de consommation en augmentant la part de notre budget pour une alimentation saine et locale
Comme nous avons déjà démontré dans les chapitres précédents qu'il n'y avait rien à attendre des sommets de hiérarchies, il ne reste que la deuxième solution : nous responsabiliser et allouer une part plus importante de notre budget à ce qui détermine notre santé et notre énergie quotidienne.
Acheter aux entreprises locales
De la même façon, en vue de préparer l'avenir sans pétrole, encourageons les entreprises locales qui fabriquent des produits dont nous avons vraiment besoin pour vivre : isolants et matériaux pour la rénovation de bâtiments, vêtements, vélos, pompes à chaleur, lave-linges, réfrigérateurs...
Achetons ces produits aux entreprises les plus proches de chez nous, afin qu'il y en ait suffisamment pour le jour où il n'y aura plus de pétrole pour transporter tous ces produits. Dans le même temps, acheter le plus local possible, ça veut dire le moins de transports possible, donc moins de CO2 dégagé. Même si beaucoup de minerais provenant de pays lointains restent nécessaires, nous pouvons au moins choisir d'acheter des produits dont la fabrication finale est proche de chez nous.
Il existe des entreprises locales qui produisent des matériaux isolants pour éviter les déperditions thermiques des logements. Il existe des vêtements fabriqués localement, jusqu'aux matières premières naturelles qui sont produites localement : laine, lin, chanvre. Lorsque nous en avons les moyens, nous pouvons remplacer nos chaudières à gaz ou à fioul par des pompes à chaleur fabriquées dans le pays.
En plus de préparer les décennies à venir sans pétrole, acheter aux entreprises locales recréent des emplois pérennes dont nous allons avoir de plus en plus besoin à l'avenir et dont nous ne pourrons plus nous passer.